Désiré Isidore Roulland, herbager en Pays de Bray au XIXe siècle

Aujourd'hui, j'ai choisi de partager avec vous la vie de mon ancêtre Désiré Isidore Roulland (sosa 40). Pour écrire son histoire, j'ai suivi les conseils d' Elise du blog Auprès de nos Racines qui propose une méthodologique très complète en 26 questions.

L'enfance de Désiré Isidore Roulland


Désiré Isidore Roulland est né et a passé son enfance à Hodeng-Hondenger, en pays de Bray. C’est une petite commune d’à peine 500 habitants, qui avait déjà vu naître sa mère.

Le garçon est né le 18 octobre 1833 et a surement été baptisé le lendemain dans l’une des deux belles églises de la commune. (Notre-Dame ou Saint-Denis).

Désiré Isidore est né quasiment un an jour pour jour après le mariage de ses parents. Il est leur premier enfant. 
Sa mère, Rose Véronique Dubois est, elle aussi, née à Hodeng Hondeger et y a passé son enfance. Son père vient de Mauquenchy à 10 km de là.

Désiré Isidore est issu d'une famille d'exploitants agricoles. Ses parents étaient herbagers tout comme l’étaient ses grands parents paternels et maternels ainsi qu’un grand nombre de paysans normands. Élever des vaches rapportait plus que les cultures traditionnelles.

Carte Cassini - Parcours de vie de Désiré Roulland

L’enfance de Désiré Isidore a été marquée par plusieurs événements tragiques: 
Alors qu’il a tout juste deux ans, sa mère accouche d’un enfant mort-né, ce qui était hélas très fréquent à cette époque.
Mais c’est un autre deuil familial qui arrive une dizaine d’années plus tard qui va chambouler l’histoire familiale. Sa mère décède en automne 1844 alors que Désiré Isidore vient de fêter ses douze ans.
Rose Véronique laisse dernière elle trois orphelins, Désiré Isidore ainsi que Rose Adeline, huit ans et Alexandre Maximilien, quatre ans. 

Désiré Isidore n'a pas connu la période de la Révolution ni même des batailles de l'Empire. Lorsqu'il est enfant, la France est dans une période relativement calme .
Cependant, on peut citer quelques événements locaux qui n'ont pas manqué de chambouler les environs. Par exemple, une invasion de loups en pays de Bray en 1838 ou encore l'affaire de double empoisonnement à l'arsenic en 1844 et l’exécution des deux accusés à Argueil...

Extrait Journal de Rouen - 26 janvier 1838

Les Roulland se sont installés sur Dampierre-en-Bray, quelques années avant le décès de la mère de Désiré Isidore.
Après le décès de son épouse, le père de Désiré est resté sur Dampierre avec ses enfants en bas-âge.
Il a surement pris chez lui une nourrice pour s’occuper de ses enfants pendant qu’il travaillait dans ses herbages.
Peut-être que cette femme était Marie Catherine Radenne, qu’il a mis enceinte et  épousé au printemps 1846.
Alfred Eugene, le demi-frère de Désiré voit le jour deux mois après ce mariage a,vraisemblablement, été célébré dans l’urgence.

Mais comment savoir quelles étaient les liens qui unissaient les enfants du 1er lit avec cette nouvelle famille?

La jeunesse de Désiré Isidore Roulland


Désiré Isidore Roulland savait lire, écrire et très probablement compter. Il a signé tous les actes des différents événements auxquels il a participé. Il a surement du s’instruire à l’école communale où la classe se limitait à la lecture, l’écriture, le calcul et le catéchisme.

Signature de Désiré Roulland - 1890

Cependant, dès les beaux jours, de mars à novembre, il a du, comme tous les autres enfants des campagnes, être sollicité pour aider à la ferme.
Gardien de dindons ou de moutons, à 5-6 ans, puis de bêtes à cornes et ensuite auxiliaire à la charrue pour aider à stimuler les bœufs ou les chevaux.
Vers 14-15 ans, il pouvait surement assumer la conduite régulière d'un attelage.

Sans sa fiche matricule, il est difficile de connaitre le parcours militaire de Désiré Roulland.
A t-il accompli ses 6 années de service militaire ?
Dans tout les cas, à 20 ans, comme tous les jeunes de son âge depuis 1798, il a été soumis à la conscription militaire. Il a donc été appelé en début d’année 1853 devant le Conseil de Recrutement du canton de Neufchâtel. A cette époque, il y avait la possibilité de payer un remplaçant et il existait également un système de tirage au sort. Les chanceux ne partaient pas faire leur instruction militaire.

Désiré Isidore Roulland a vécu toute sa vie dans le pays de Bray où il parlait le patois brayon normand au quotidien.
Voici quelques proverbes du coin qu'il a surement du utiliser:
 "Mais que les poules pissent" (= jamais)
"Toute la pouquette sent le hareng" (= toute la famille a le même vice)
"Se laisser manger la laine sur la main" (= être trop bon)

La vie maritale de Désiré Isidore Roulland


Désiré Isidore a épousé Modestine Adélina Houpin le 25 janvier 1862 à Elbeuf-en-Bray. Celle-ci avait 9 ans de moins que lui et était originaire d’Elbeuf.
Les parents de Modestine, originaires de petits villages voisins dans l’Oise, ont eu leurs trois enfants à Elbeuf-en-Bray où le père était établi comme menuisier.

Modestine Adélina et Désiré Isidore se sont rencontré à Cuy-Saint-Fiacre, une commune avoisinante, où ils étaient tout deux domestiques au service de Monsieur Cartier.
Il faut savoir qu’en Normandie, les jeunes gens se fréquentait longtemps avant la demande en mariage et les rapprochements étaient tolérés (Fille promise n’est point prise), ce qui peut expliquer l'âge du marié au moment de son mariage, à moins que l'explication soit son départ au service militaire entre-temps.

Ils sont passés devant le maire à 9 heures du matin, par une journée couverte mais clémente pour janvier, en présence du père de l’époux, des oncles de la mariée, du cousin de Désiré Isidore et de quelques autres témoins. 

Les époux ont déjà signé, un mois avant leur mariage, un contrat de mariage chez le notaire:
Isidore apportait au ménage 1000 francs d’économies et la mariée apportait son trousseau, composé traditionnellement du linge de maison - linge de service, de table, de lit et de toilette -, du linge personnel de la mariée et de bijoux, le tout d’une valeur d’environ 1000 francs.

A cette époque dans les campagnes, on ne faisait la grande lessive qu’une fois par an. Le linge de maison était en quantité suffisante pour tenir toute l’année et le linge sale était rangé dans un coin de la maison en attendant la belle saison.
On peut imaginer que, selon la tradition quelques jours avant la cérémonie, les meubles et le trousseau de la fiancée ont été transportés à son futur domicile à Elbeuf.

Désiré Isidore Roulland et Modestine Adélina Houpin ont eu ensemble deux enfants :
- Désiré Eugène, né en juin 1862, seulement cinq mois après leur mariage
- Marie Modeste Augustine, née en 1869

Les prénoms des enfants sont assez classiques et sont déjà portés par d'autres membres de leur famille. L'idée de garder une exploitation familiale viable et de transmettre un bel héritage a conduit les Roulland à avoir le moins d’enfants possibles. Celà explique le mariage tardif de Désiré Roulland.
Juste après la naissance de leur fille, les Roulland ont connu une période d'occupation assez éprouvante. En effet, du 3 septembre 1870 au 9 juin 1871, Gournay et ses environs sont occupés par les Prussiens. Certains hameaux sont brûlés. La plupart des jeunes hommes ont été réquisitionnés et les communes mettent en place des milices locales pour résister contre l'invasion prussienne.
 Le demi-frère de Désiré Isidore Roulland, qui fait parti des réquisitionnés. décède le 23 janvier 1871 d'une congestion pulmonaire à l’hôpital militaire de Toulouse. Il avait 24 ans.

Tout au long de leur vie, Désiré Isidore et son épouse ont vécu dans des exploitations agricoles successives dans différents villages et hameaux dans la limite du Pays de Bray.
Ils allaient régulièrement aux marchés et aux foires écouler leurs produits et remplacer leur bétail.
Mais, Désiré Isidore fréquentait-il l’auberge? Sa famille se rendait-elle pieusement à l’église ?

Malgré ses conditions de vie plutôt bonnes, Désiré Isidore n’a jamais été propriétaire terrien. La raison la plus évidente est que l'élevage de bovins demande une vaste quantité de terre, et qu'il ne devait pas avoir les moyens d’acquérir une ferme en plus de son bétail. 

La famille semble avoir vécu à Elbeuf-en-Bray, section de l'Eglise une bonne partie du temps après leur mariage et la naissance des deux enfants.
Ils se sont ensuite installés dans une ferme à Gancourt-Saint-Etienne, hameau Hyaumet. C’est là que leur fille Augustine a rencontré son futur époux.
Les époux Roulland ont ensuite conclu un dernier bail pour une ferme, hameau de Campulay à Ménerval.

Extrait de plan cadastral - Hameau de Campulay - Ménérval

La vie active de Désiré Isidore Roulland


Herbager, Désiré Isidore était son propre patron. Il louait une ferme et des herbages dans lesquels il faisait paître ses vaches . La famille vivait de la vente de lait, de beurre et de fromage ainsi que du cidre. Ils avaient également des animaux et un potager pour contribuer à leur alimentation quotidienne.
Ils faisaient surement appel à des domestiques et aides agricoles à certains moments de l'année.

Lors du mariage de leur fille, en 1890, les époux Roulland lui donne une dot de 1000 francs ainsi qu'une avance sur héritage de 2000 francs.

Il semblerait donc que leur situation financière était plutôt bonne.

En 1897, le loyer annuel pour la ferme de Campulay est de 2100 francs. La ferme devait être plutôt grande. La partie habitation se résume à une cuisine, quatre chambres dont une pour la bonne et une buanderie et l’espace de travail comprend la fromagerie, la cour à cidre, le pressoir, l'écurie, le poulailler, la cour, le cellier, la charretterie et un grand espace d’herbage. 
A cette époque, les Roulland possédaient quinze vaches, 3 génisses et un jeune taureau, dix porcs, quatorze poules et un coq.

Extrait Inventaire après décès - Houpin - 1900

Désiré Isidore a vécu toute sa vie dans des exploitations, dans des hameaux à l’écart de tout, dans des fermes éparses au milieu de grands herbages.
Il vivait entouré de champs, ruisseaux et petits chemins tortueux. Peut-être entendait-il au loin sonner l’église. Il devait se lever avec le soleil, réveillé par le chant du coq. Son quotidien était ponctué par le bruit des animaux de la ferme et des charrettes qui passaient sur la route et par l'odeur du foin.

La nourriture quotidienne venait des produits de la ferme et du potager, s'y ajoutait le pain ainsi que la traditionnelle rincette, un café à l'eau-de-vie, dont la consommation était en moyenne de cinq par jour pour les fermiers normands.
  
Comme je l'ai déjà dit, Désiré Roulland s'est consacré à la production laitière sur des herbages permanents. Peut-être complétait-il avec une culture du trèfle, de la betterave ou de choux fourrager. La plupart des veaux étaient vendus 8 jours après la naissance à l’exception des génisses de remplacement.
Il fallait aussi constituer de grosses réserves de foin à cause de l’hiver rigoureux. La période de stabulation (dans l'étable) durait environ 4 mois et  la production laitière devait être maintenu en cette période difficile. 

Modestine Adélina Houpin jouait également un rôle important dans la ferme. Elle gérait l'entretien de la maison, la cuisine, la lessive, mais aussi la basse-cour, et surement le potager ; elles se rendait également sur les marchés et foires pour vendre oeufs et volailles, beurre et fromages. 

Les derniers moments de la vie de Désiré Isidore Roulland


Désiré Isidore a fini sa vie dans la ferme de Campulay. Il est décédé le 2 juin 1901 à 5 heure du matin à son domicile à Ménerval. Il avait 68 ans.
C’est son gendre, Jules Carment ainsi que son voisin Thierry Pierre qui sont allés déclarer le décès à la mairie.
Son épouse, malade, était décédée l’année précédente. Ils ont surement été enterrés dans le cimetière de Ménerval.

Eglise de Ménerval et son cimetière - AD76

Avant leur décès, les époux Roulland, ont pu voir naître leur petit-fils, Désiré Eugène Roulland, né hors union. Peut-être s'opposaient-ils au mariage de leur fils avec Valentine Levasseur, issue d'un milieu plus modeste car le mariage n'a été célébré qu'en 1903.

Leur fille Marie Modeste Augustine, qui vivait également à la ferme de Campulay avec sa famille, a également eu deux garçons qui sont malheureusement décédés quelques mois après leur naissance.

Suite au décès des Roulland, l'exploitation de  la ferme de Campulay a été reprise à leur compte par leur fille et leur gendre, Jules Carment. Ils ont pris à leur service Désiré Eugène Roulland.

Ainsi se termine, l'histoire de mon aïeul Désiré Isidore Roulland, herbager en Pays de Bray au XIXe siècle.

Sources:
Registres d’Etat Civil de Seine-Maritime - AD76
Inventaire après dèces d'Adelina Modestine Houpin - Archives notariales - AD76
Acte de partage après liquidation - Succession Roulland - Archives notariales- AD76
Contrat de Mariage Roulland - Houpin 
- Archives notariales- AD76
Contrat de Mariage Carment - Roulland 
- Archives notariales- AD76
Entretien avec Jean-Marc Moriceau « Les paysans sont le moteur de l'histoire »
L'élevage en Normandie, étude géographique, Volume 1
Dictionnaire du patois du pays de Bray , par l'abbé J.-E. Decorde
La diversité des situations socio-démographiques dans les campagnes françaises au XIXème siècle - Nadine Vivier
La consommation alcoolique en Seine-Inférieure au XIXe siècle par D. Nourrisson
L'Enseignement primaire en Seine-Inférieure de 1814 à 1914 par J.-C. Marquis

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